Il ne me viendrait pas à l’idée de m’interroger sur ce qu’est un auteur sur le plan sociologique (ce serait sans intérêt et d’autres répondent à la question bien mieux que moi), Moins encore d'être exhaustif sur le sujet. En revanche, il m’importe de savoir ce qui fait qu’un individu (femme ou homme), se tourne vers sa pratique de l’écriture pour définir sa nature ?
Qu’est ce qui fait qu’une personne trouve son expérience de
la production de textes suffisamment importante pour qu’elle lui offre de la définir ?
Je pourrais dire qu’un auteur (en littérature) est une
personne qui créée, qui invente du texte, des histoires peut-être, de l’écrit
en tout cas.
Je pourrais compléter en disant qu’il écrit pour d’autres,
qu’il est un porte-voix et qu’il exprime par sa sensibilité, sa vision
originale des choses, en lui donnant une forme acceptable ou lisible par ses
lecteurs.
Il est un chercheur singulier, créateur à partir des
tréfonds de sa propre expérience de la vie, de ce qui peut toucher, émouvoir et
intéresser ses contemporains
En fait, chaque fois que nous écrivons (ou au moins dans les
meilleurs moments de notre écriture), nous vivons une expérience originale, qui
nous fait aller au-delà de ce que nous étions avant ce temps de création, de ce
que nous pouvions, de ce que nous savions par expérience être
nous-mêmes et la vie.
Je vous rappelle la phrase de Marguerite Duras.
« Si on savait quelque chose de ce qu’on va écrire,
avant de le faire, c'est-à-dire avant d’écrire, on n’écrirait jamais. Ce ne
serait pas la peine. »
L’écriture (ce que produit l’auteur !) est toujours
devant l’auteur, c’est l’auteur tel qu’il se découvre dans le travail
d’écriture.
Il n’y a rien de plus intéressant que de se relire pour se
découvrir, sauf peut-être d’être lu et commenté par ses lecteurs (ou des
auditeurs) ou interrogé par eux sur le sens de son écriture.
Car, chacune de ces lectures ou chacune des écoutes de
l’autre) est de nature, éventuellement, à enrichir la lecture que l’on fait de
soi-même et de son expérience (de la vie, des autres, de la société telle qu’on
la vit,…) au travers de son écriture.
Je vous renvoie ici à un lien vers le blog que j’alimente
assez irrégulièrement depuis quelques années :
De ce texte, je ne veux retenir que quelques phrases que
j’affirme pour moi-même, au moins, haut et fort :
« Lorsque nous
écrivons, nous puisons parfois à des idées infimes, des impressions fugaces,
des bouts de fantasmes vagues, parfois de simples filoches de visions ou
projets.
Et nous tentons de les mettre en forme.
Ce faisant, c'est de la conscience, c'est de la culture et de la vie que nous créons à partir de si peu. » Serge De La Torre
Et nous tentons de les mettre en forme.
Ce faisant, c'est de la conscience, c'est de la culture et de la vie que nous créons à partir de si peu. » Serge De La Torre
Nous avons tous appris à écrire, nous écrivons donc
tous, mais nous écrivons-nous tous ?
Nous avons appris dans nos écoles à donner de l'écriture, à
donner même parfois une forme donnée, à structurer un langage pour le rendre
conforme à un langage attendu, à mettre des mots dans un ordre et une
signification acceptable (un ordre plus ou moins juste, sensé, cohérent et
correct selon ses critères (orthographe, grammaire, correction de la langue,
pertinence par rapport à la pensée dominante en vogue….)
Ainsi avons nous tous appris à écrire, mais souvent nous
avons oublié de nous dire par l'écriture, c'est même la dernière chose que l'on
attendait de nous.
Combien de fois la formule « Trop
personnel ! » n’apparaissait-elle
pas dans les productions des enfants, jusqu'à il y a peu ?
L’homme lettré écrit, l’enfant spontanément s’exprime par
écrit, l’adulte mûr peut s’écrire lui-même et finir par se dire et se trouver au
travers de ce qu’il écrit, quelque part se prendre lui-même comme sujet
d’écriture (même sans forcément ou sans jamais parler de sa propre existence).
Au travers de son objet d’écriture, de sa forme d’écriture,
de ses choix de personnages, de ses choix de schémas narratifs, c’est
l’originalité de son point de vue sur le monde, l’originalité de sa sensibilité
qu’il va rendre perceptible à ceux à qui il s’adresse et à lui-même en premier
(L’auteur, car il se relit est toujours son premier lecteur,
il doit même s’appliquer à n’être pas le plus tendre.)
Nous avons une responsabilité dans ce que nous écrivons,
mais surtout dans ce que nous élaborons à partir de notre besoin naturel
d’écrire.
Vis-à-vis de l’extérieur, mais surtout une responsabilité de
découverte et d’enrichissement.
Chaque consigne en atelier, chaque difficulté qui est à
surmonter dans l’écriture est la plus belle des occasions de progresser et de
nous découvrir dans nos faiblesses, dans nos richesses, dans nos vertus et nos
besoins.
Cela peut ne pas être à priori facile, mais quelle victoire
que de dépasser nos empêchements, quelle surprise que cette découverte, que
cette liberté qui soudain dépasse le mot écrit et, toute à une parole qui n’a
plus les traces de sa naissance, n'a seulement que la luminosité de son origine.
Ce "tréfonds mystérieux et libre" en nous mêmes.
« Accéder à la production d’un texte à partir
d’une consigne, c’est se trouver lancé vers un au delà du présent,
inconnu. »
Alors pour conclure, sans trop en écrire et sans vouloir
vous donner un vertige qui ne soit compensé par une pratique et un exercice
concret d’écriture, je vous propose la petite consigne suivante, à faire quand
vous le voulez, à essayer dans le silence de la promenade dominicale ou dans le
petit bout de chemin qui vous conduit de la porte d’entrée de votre chez vous
jusqu'à, par exemple, la station de tri sélectif :
« Marchez et à chaque pas sentez ! Usez ou concentrez-vous
sur vos cinq sens.
Et soyez conscient de ce que vous
sentez (sous vos pieds, dans votre main, de l’air qui vous entoure, des
diverses odeurs qui vous touchent …) de ce que vous entendez (les oiseaux, le
vent, le soudain silence…), de ce que vous touchez (l’objet certes, sa nature,
mais surtout ce goût singulier du contact (touchez une table de vieux bois,
n’est en rien comparable au toucher d’un banc de pierre ou d’une chaine de
balancelle…), de ce que vous goutez au travers de chacun de vos sens et sur
toute la surface de votre corps.
Vous pouvez même pour souligner votre expérience sensorielle, user d’un
verbe que vous vous direz intérieurement, avant de replonger vers l’expérience
de l’attention à vos sens :
« Voir » lorsque c’est votre vue qui est sollicitée
« Entendre » lorsque c’est votre ouïe qui est captée
« Toucher » et/ou
« Sentir » lorsque c’est
votre toucher ou votre odorat qui sont sollicités
« Goûter » lorsque vous apparait comme dominant la sensation
de la langue contre vos dents, le palais ou la salive qui remplit votre bouche.
Si par hasard votre pensée reprenait le dessus et vous accaparait dites
simplement «Penser » et revenez tranquillement à la conscience de vos
sensations.
Faites tranquillement l’exercice précédent plusieurs fois, vous n’avez
besoin que de peu de temps, en revanche, sans doute d’un peu de volonté et
d’attention.
Puis gardant l’ambiance qui était la vôtre durant ces petits temps
d’exercice, rentrez chez vous et écrivez un petit texte, librement (si vous y
parvenez) ou bien, usez des débuts de
phrases que je vous offre.
Ce texte devra être très libre, amusez vous des mots qui vous viennent,
laissez-vous par eux surprendre et ravir, osez des images, des sentiments, des
impressions et des associations de mots frappants ou naturels
J’ai senti……
J’ai senti……
J’ai senti……
J’ai senti……
J’ai vu ……
J’ai vu ……
J’ai vu ……
J’ai vu ……
J’ai goûté…
J’ai goûté…
J’ai goûté…
J’ai goûté…
J’ai entendu…..
J’ai entendu….
J’ai entendu….
J’ai entendu….
J’ai perçu ma pensée comme…
J’ai perçu ma pensée comme…
J’ai perçu ma pensée comme…
J’ai perçu ma pensée comme…
Ce texte gardez le jusqu’à notre prochaine rencontre, vous
pourrez le partager, l’offrir à tous comme une carte de visite.
Ne cherchez pas l’exploit, juste le naturel et le poli, vous
avez bien sûr le droit de relire le texte spontané que vous aurez produit, pour
vous-même et même vous aurez le droit dans un deuxième temps de le rendre plus
présentable, mais veillez à ne pas en ternir l’essence, l’émotion et la finesse
de votre vécu.
Il se trouve déjà dans vos mots.
Bonne expérience.Vous pouvez également retrouver cette consigne (avec les phrases de Virginia Woolf qui l'ont inspirée), en suivant le lien ci-dessous:
http://instantsdecriture.blogspot.fr/2014/11/ecrire-dans-lesprit-de-virginia-woolf.html