Dans l'introduction
de l’ouvrage « L’écrivain et la vie », Elise Argaud dit au sujet de
la pratique de Virginia Woolf en tant qu'auteure :
L'un des principes unificateurs qui fondent ses textes est
le primat de l'expérience :
« Loin
d'être un monde hors du monde, une façon de s'abstraire et une abstraction,
l'expérience littéraire est une plongée du langage au cœur de la vie »
[L'expérience littéraire est une plongée du langage au
cœur de la vie.
Fort superbe affirmation !]
On apprend quelques pages plus loin que Virginia Woolf
accorde une grande place aux impressions, sur la mise en relation
libre, non pas de principes définis à priori, mais de ses sensations.
[Au sujet des mots, sa pensée est intéressante
aussi :]
« Les mots sont inutiles [(en eux-mêmes faudrait-il
préciser !)] : le langage procède par associations d'idées,
d'impressions : tout mot peut déclencher une cascade d'autres mots,
peut entrainer cette variété infinie que toute la littérature ne réalise
qu'en partie. »
Plus loin :
« Les mots sont le miroir de leur auteur, de sa vie
personnelle, malgré lui et avant même leur signification propre ».
« Là, partout, tantôt cachée, tantôt visible dans ce
qui est écrit se trouve l'empreinte d'un être humain »
« Ils ont parfois créé des images si frappantes que
les mots qui les composent semblent devenir indissociables. »
« Pour que les mots puissent aussi refléter le monde
et en donner une vision inédite, il faut à tout prix préserver leur liberté et les
combiner de façon neuve et vivante »
« Toute création en mots doit laisser place à
l'imagination du lecteur en ménageant l'implicite »
« L'écrivain a pour tâche de sélectionner un aspect
et de faire en sorte qu'il en évoque vingt » (V. Woolf)
« L'économie de moyens va de pair avec un pouvoir
suggestif accru et une sollicitation active du lecteur »
[En substance : ]
« Le Grand Art consiste à ouvrir le lecteur par les
mots sans l'enfermer dans un sens des mots qui l'empêche d'être sensible à tous
les autres sens et à toutes les autres expériences possibles »
à faire quand vous
le voulez,
à essayer dans le silence de la promenade dominicale ou dans le
petit bout de chemin qui vous conduit de la porte d’entrée de votre « chez
vous » jusqu'à, par exemple, la station de tri sélectif du coin de votre
rue……. :
« Marchez et à chaque pas sentez ! Usez de (ou concentrez-vous
sur) vos cinq sens.
Et soyez conscient de ce que
vous sentez (sous vos pieds, dans votre main, de l’air qui vous entoure, des
diverses odeurs qui vous touchent …) de ce que vous entendez (les oiseaux, le
vent, le soudain silence…), de ce que vous touchez (l’objet certes, sa nature,
mais surtout ce goût singulier du contact (touchez une table de vieux bois,
n’est en rien comparable au toucher d’un banc de pierre ou d’une chaîne de
balancelle…), de ce que vous goutez au travers de chacun de vos sens et sur toute la surface de votre corps.
Vous pouvez même pour souligner votre expérience sensorielle, user d’un
verbe que vous vous direz intérieurement, avant de replonger vers l’expérience
de l’attention à vos sens :
« Voir » lorsque c’est votre vue qui est sollicitée
« Entendre » lorsque c’est votre ouïe qui est captée
« Toucher » et/ou
« Sentir » lorsque c’est
votre toucher ou votre odorat qui sont sollicités
« Goûter » lorsque vous apparaît comme dominante la sensation
de la langue contre vos dents, le palais ou la salive qui remplit votre bouche....
Si par hasard votre pensée reprenait le dessus et vous accaparait dites
simplement «Penser » et revenez tranquillement à la conscience de vos
sensations....
Faites tranquillement l’exercice précédent plusieurs fois, vous n’avez
besoin que de peu de temps, en revanche, sans doute d’un peu de volonté et
d’attention à vous-mêmes.
Puis gardant l’ambiance qui était la vôtre durant ces petits temps
d’exercice, rentrez chez vous et écrivez un petit texte, librement (si vous y
parvenez) ou bien, usez des débuts de
phrases que je vous offre.
Ce texte devra être très libre, amusez vous des mots qui vous viennent,
laissez-vous par eux surprendre et ravir, osez des images, des sentiments, des
impressions et des associations de mots frappants ou naturels
J’ai senti……
J’ai senti……
J’ai senti……
J’ai senti……
J’ai vu ……
J’ai vu ……
J’ai vu ……
J’ai vu ……
J’ai goûté…
J’ai goûté…
J’ai goûté…
J’ai goûté…
J’ai entendu…..
J’ai entendu….
J’ai entendu….
J’ai entendu….
J’ai perçu ma pensée comme…
J’ai perçu ma pensée comme…
J’ai perçu ma pensée comme…
J’ai perçu ma pensée comme…
Ne cherchez pas l’exploit, juste le naturel et le
« poli » (celui de la pierre roulée par le ruisseau et non pas le
« poli » des gens de salon qui se retiennent d’être et d’oser, vous
avez bien sûr le droit de relire le texte spontané que vous aurez produit… pour
vous-même
Et même, vous aurez le droit dans un deuxième temps de le
rendre plus présentable, mais veillez à ne pas en ternir l’essence, l’émotion
ou la finesse de votre vécu.
Elles se trouvent déjà dans vos mots premiers.
Et souvent, à vouloir bien faire, on brise la beauté de
l’inspiration originelle.
Bonne expérience.
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