Voir :
https://instantsdecriture.blogspot.com/2018/10/faire-face-la-detresse-faire-face-la.html
Aujourd'hui sur Public Sénat dans l'Emission "livres et vous", j'ai entendu parler François Bégaudeau et surtout Pierre Rosavallon .
Quelles pensées rafraîchissantes, vivifiantes, stimulantes même et combien éloignées de l'esprit d'ordinaire régnant.
Sur Internet, j'ai retrouvé ce propos de Pierre Rosanvallon qui :
complète bien l'esprit de l'émission et ce, d'autant qu'il apporte quelque chose comme une confirmation de ce qui se dessinait dans notre débat ( références :les commentaires à mon texte), je reproduis ci dessous cet article de Pierre Rosanvallon pour le journal "LIBERATION":
https://www.liberation.fr/societe/2010/03/18/imaginer-et-resister-pour-un-nouvel-esprit-de-l-utopie_615834
Imaginer et résister, pour un nouvel esprit de
l’utopie. Y-a-t-il de la place pour de
nouvelles utopies ?
Le nouvel esprit de l’utopie, est ensuite de l’ordre d’une discipline intellectuelle. Il consiste d’abord à rompre avec les conformismes. Penser à neuf, c’est produire une nouvelle critique sociale qui ne se limite pas à dénoncer de façon globale le néolibéralisme ou à stigmatiser le capitalisme financier.
Le nouvel esprit de l’utopie, c’est enfin de compter sur les possibilités de la démocratie et de faire fond sur ses difficultés.
C’est là encore rompre avec les utopies anciennes, qui suspectaient au fond toujours le peuple de ne pas être à la hauteur de sa tâche historique.
Chacun sait bien ce que cet impératif veut dire
pour lui et autour de lui.
Résister à l’insécurité sociale galopante, au
naufrage de l’ethos public, au court-termisme, à l’ivresse marchande, à la
société du mépris, à la corruption des institutions.
Résister à la « droitisation » du monde en un
mot. Certes, mais pas seulement.
Car nul ne pourrait penser qu’il suffirait de
retourner au capitalisme des années 1960 pour arranger les choses.
On ne
peut en effet ériger la seule défensive - y compris de l’environnement - en une
vision d’avenir.
Il faut donc aussi imaginer.
Sinon la résistance s’émousse et se mue en
résignation crispée, en réaction intégriste ou en désenchantement dépressif.
Les
utopies classiques ont été des utopies du modèle, proposant des réorganisations
du monde clefs en main.
Au XIXe siècle, Cabet décrivait par exemple les
conditions d’une vie idéale en Icarie.
Mais c’était au prix de la vision d’un monde
hiérarchisé, qui présupposait la vertu des hommes et leur parfaite
intériorisation des contraintes collectives. D’où la dénonciation par nombre
d’ouvriers de l’époque d’un « communisme de caserne ».
A ces naïves utopies d’en haut, effectivement
lourdes de menaces, il faut substituer des utopies d’en bas, fondées sur des
expérimentations décentralisées et innovantes dans tous les domaines.
Le nouvel esprit de l’utopie est là celui d’un
combat pour les rendre possibles : il est d’explorer des voies inédites, d’oser
essayer ce qui ne l’a pas encore été.
Il faut
analyser de façon beaucoup plus fine et opératoire tous les mécanismes qui
conduisent à faire accepter les inégalités, à réduire les liens de confiance et
à modifier en profondeur les représentations sociales de l’égalité.
C’est en effet la structure même de la société
et son fonctionnement interne qui font problème.
Il
consiste en second lieu à produire une pensée lisible du long terme.
La difficulté est en effet aujourd’hui que
l’évocation de la gravité des problèmes du long terme n’entraîne pas de
changement suffisant des comportements.
Il faut rendre pour cela plus sensible, plus
immédiat, le long terme comme question du présent.
Le problème est qu’il y a derrière cette vision
l’idée d’un monde harmonique et unifié, dès lors qu’il aurait été débarrassé de
ses puissances maléfiques, exploiteurs ou maîtres indignes.
Or la difficulté de la démocratie est qu’elle
se lie à l’expérience de divisions sociales et de conflits transversaux,
intérieurs au corps même du social.
Difficulté qui constitue son objet.
Si le peuple est le souverain, il est en effet
toujours divisé, problématique.
Il doit être construit par la discussion, la
confrontation, entre conflits et négociations.
Il faut donc, pour aimer la
démocratie, la compliquer, et s’attacher à lui donner consistance contre tout
ce qui prétend la réduire à la légitimation électorale.
C’est là le cœur de l’utopie qu’il faut faire
vivre.
PIERRE ROSANVALLON
Historien, professeur au Collège de France.
Pierre Rosavallon, venant en vacances en famille à Recoubeau est connu des Diois .
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