samedi 23 novembre 2019

Vincent mon frère, Vincent mon ami,



Tu t'en es allé Vincent, selon ton habitude …
Comme une étoile filante….
C’est sûr, mon ami,
Tu fus un géant. 
Tu allais à ton art 
Comme nos pères allaient à la mine : 
Le visage grave, et le regard parfois perdu, 
Et dans ta barbe hirsute,
Tu marmonnais en marchant,
Des sentences de sage, 
Que tu avais, à la dure,
-Dans une si grande solitude-, apprises : 

« N’oublions pas que les petites émotions 
Sont les grands capitaines de nos vies,
Et qu’à celles-ci, nous obéissons sans le savoir ».

Tu vibrais, Vincent, avec les étoiles que tu peignais,
Mais qu’aurions-nous du attendre d’autre, du génie ? 
N’est ce point toi qui m’écrivis un soir : 

« Je vis une clarté effrayante 
Au cours des moments où la nature est si belle. 
Je ne suis plus conscient de moi-même 
Et les images m’arrivent comme dans un rêve. »

Oh Vincent mon frère, oh Vincent mon ami !
Il est de doctes savants qui s’étonnent, 
Eh oui, mon frère, 
Qui s’étonnent, eh oui mon ami !
Que tu n’aies su atteindre au mystère,
 Qu’aux pires heures du chemin …
Aux pires moments, de ta vie :  
Au seul cœur des plus sombres de tes échappées,
Au plus noir du pays de ta mélancolie ? 
Oublient-ils ce que quelque jour tu nous prédis ?  

« Il faut pouvoir vivre d’un morceau de pain, 
Tout en travaillant toute la journée, 
Et en ayant encore la force de fumer,
Et de boire son verre, 
Il faut ça dans ces conditions. 
Et sentir néanmoins les étoiles 
Et l’infini en haut clairement. 
Alors la vie est tout de même presque enchantée ».

Tu vibrais ces jours-là, 
Jours de gloire et jours maudits,
Au diapason de ces constellations,
 Où ton œil comme le nôtre,
 N’était jamais encore allé ? 
Bien sûr Vincent, bien sûr mon ami ! 
L’âme humaine est un microcosme
Où se reflètent tous les infinis ?
Les alchimistes le disaient déjà, 
Et qui donc oserait, après toi, en douter ? 
Et quoi, ? Que semblable connaissance ait pu
 Te faire dépasser nos ordinaires prudences ?  
Ne nous as-tu pas dit un jour : 

« La normalité est une route pavée : 
On y marche aisément, 
Mais les fleurs n’y poussent pas. »

D’autres tout semblablement doctes s’étonnent 
Que le mystère des galaxies ait pu t’échapper,
 Lorsque tu choisissais d’être plus simplement, 
Plus heureusement des nôtres. 
Tu restais pourtant artiste, mon Vincent,
Tu ne faisais alors qu’œuvre plus humaine :  
Et tu nous confiais, alors, en quelques mots
Ton amour maladroit, ton amour d’ homme : 

« Dans un tableau, je voudrais dire
Quelque chose de consolant comme une musique (…)
Il n'y a rien de plus réellement artistique
Que d'aimer les gens.”

Et te rends-tu compte Vincent, 
Tu voyais juste encore, mon ami , mon frère ! 
Toi qui m’envoyas un jour ce message prophétique : 

« La science – le raisonnement scientifique – 
Me parait être un instrument
Qui ira bien loin dans la suite. (…)
Des générations futures, il est probable, 
Nous éclairciront à ce sujet si intéressant ; 
Et alors la Science elle-même pourrait – 
Ne lui déplaise – arriver à des conclusions 
Plus ou moins parallèles aux dictions du Christ 
Relatives à l’autre moitié de l’existence. »



Te voici parti mon frère, rejoindre tes étoiles,
 Définitivement entré dans ta nuit.
Faut-il que je m’en étonne ?
Toi qui n’a jamais été que sur le départ,
Hasardeusement posé parmi nous :

     « Cela m’intéresse infiniment,
     Mais une chose complète:
     Une perfection nous rend l’infini tangible ;
     Et jouir d’une telle chose,
    C’est comme le coït, le moment de l’infini. (…) »
    « On commence à saisir alors que la vie
     N’est qu'une espèce de période de fumage,
     Et que la récolte n'est pas de ce monde. »
     Dans la vie du peintre peut-être la mort
     N’est-elle pas ce qu’il y aurait de plus difficile.
     Moi je déclare ne pas en savoir quoi que ce soit, 
    Mais toujours la vue des étoiles me fait rêver 
    Aussi simplement que me donnent à rêver 
    Les points noirs représentant 
    Sur la carte géographique, villes et villages. »

Adieu Vincent, adieu mon frère, adieu mon ami, 
                                  Serge De La Torre

                                           A Vincent Van Gogh
                        Par la voix de Théo, son frère et meilleur ami…

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